Quelles conséquences du Covid-19 sur la gestion des déchets à Bobo-Dioulasso

Article : Quelles conséquences du Covid-19 sur la gestion des déchets à Bobo-Dioulasso
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1 juillet 2020

Quelles conséquences du Covid-19 sur la gestion des déchets à Bobo-Dioulasso

Mondoblog lance le projet Mondoblog, unis contre le Covid-19, pour raconter l’évolution et les conséquences de la pandémie de coronavirus du point de vue des Mondoblogueurs sahéliens.


La pandémie de coronavirus a bouleversé de nombreux secteurs d’activité au Burkina Faso. Pour barrer la route à la propagation de la maladie, le chef de l’État, Roch Marc Christian Kaboré, a annoncé une série de mesures restrictives le 2 avril. Ces mesures ont eu de lourdes conséquences sur l’économie burkinabé, déjà fragilisée par la situation sécuritaire. La quarantaine imposée dans plusieurs villes et le couvre-feu instauré sur toute l’étendue du territoire pendant plusieurs semaines ont paralyser certaines entreprises.

À Bobo-Dioulasso, où j’habite, un autre problème est venu s’ajouter. Avec les nombreux imprévus causés par la crise sanitaire, les habitants ne savent plus quoi faire de leurs déchets car le ramassage des ordures a été suspendu. Il faut dire que la ville a connu une explosion démographique ces dernières années et donc le problème de la gestion des déchets se pose de plus en plus. Le Covid-19 a rendu visible l’urgence d’adopter une politique qui permettra de mieux gérer et valoriser les déchets.  

Les habitants déversent leurs ordures directement dans la rue © Amos Traoré

Près de 90% de la collecte des déchets est assurée par des associations et des structures privées. La mairie de Bobo-Dioulasso dispose de quelques camions pour ramasser les ordures mais uniquement dans les services et dans les grands commerces. Là encore, les camions sont souvent en panne. Ce sont les associations et les structures privées qui font donc le plus gros du travail. Sans eux, ce serait la catastrophe. 

L’Association l’Union fait la Force (AUF) fait partie de ces structures qui se mobilisent pour gérer les déchets. Moyennant un tarif mensuel ou annuel, l’association se charge de ramasser les ordures dans plusieurs quartiers de la ville de Bobo-Dioulasso, et cela depuis près de cinq ans. A l’arrivée du coronavirus, l’association a dû stopper ses activités pendant deux mois. Les collectes ont repris ce mois de juin au grand bonheur des clients dont les poubelles débordent. J’ai pu m’entretenir avec deux membres de l’association de passage dans mon quartier ce week-end. 

Sous réserve d’anonymat, ils m’ont livré les difficultés auxquelles ils font face pour cette reprise des activités.

« La reprise est compliquée, il y a trop de déchets à collecter vu qu’on n’a pas pu travailler pendant deux mois. Ça va être difficile de satisfaire tous nos clients ce mois-ci. Nous sommes passés dans neuf familles ce matin, sincèrement je suis un peu choqué à la vue de tous les déchets qu’on a collecté. Il faut que les Bobolais apprennent à mieux trier les déchets pour qu’ils ne s’amoncellent pas. C’est vilain à voir et ça peut causer des maladies. »

Le deuxième membre de l’association, Ousmane (nom d’emprunt), a quant à lui lancé un cri du cœur pour une vraie politique de gestion des déchets dans la ville.

« Le Covid-19 doit nous servir de leçon. Si les structures privées n’existaient pas, l’insalubrité gagnerait du terrain. Il faut donc que les autorités de la commune essaient de nouer des partenariats avec nos structures privées pour les soutenir afin que ce service essentiel soit optimal durant ce genre de période. À notre niveau, on est complètement débordé par la quantité de déchets. Si les habitants avaient fait le tri pendant ces deux mois, on n’en serait pas là. À Bobo, il n’y a aucun endroit spécifique pour déverser et recycler les déchets. Entre les différentes structures qui interviennent dans la collecte des ordures ménagères, on essaye de se coordonner pour avoir un site fixe pour y déverser les déchets, on ne veut surtout pas affecter l’environnement. »

Sur ces paroles empreintes de colère et de résignation, les membres de l’association AUF ont poursuivi leur harassante tournée à bord d’un tricycle en guise de bac à ordures.

Adopter une vraie politique de gestion des déchets

Avec le coronavirus, les habitants de la ville de Bobo-Dioulasso ont développé la fâcheuse habitude de déverser leurs ordures ménagères en plein nature et c’est ainsi qu’on assiste à la multiplication de dépôts sauvages dans la cité de Sya. D’autres habitants ne se sont pas gênés pour polluer les espaces verts avec tout type de déchets. J’ai pu faire ce constat au niveau du quartier Belle-Ville, situé au nord de Bobo. Belle-Ville présente la particularité d’abriter de nombreux espaces verts où l’on peut notamment pratiquer des activités de loisirs. Malheureusement, en arrivant à Belle-Ville, j’ai été stupéfait.

Les déchets pullulent de partout © Amos Traoré
© Amos Traoré

Plusieurs zones vertes sont jonchées de déchets de toutes sortes. Selon un habitant du quartier que j’ai pu appréhender, la population de Belle-Ville se cache derrière les désagréments causés par le Covid-19 pour se livrer à ces actes inciviques qui portent atteinte à l’environnement. Il faut dire que ce riverain a raison, le Covid-19 ne doit pas nous servir de prétexte pour justifier notre irresponsabilité. 

Comme le préconise les membres de l’association AUF, il faut que les habitants de la ville de Sya apprennent à trier et à mieux valoriser leurs déchets. On ne peut plus continuer à faire comme avant, notre irresponsabilité collective n’a que trop durer. Nous devons commencer à construire “le monde d’après”. Pourquoi nous conforter dans de vieux schémas ? Nous sommes la source de la pollution ménagère, à nous de trouver des solutions au lieu d’attendre l’intervention d’un hypothétique sauveur pour nous sortir du bourbier. Le problème de la gestion des déchets peut être transformé en véritable opportunité.

Toujours le même spectacle désolant © Amos Traoré

Les déchets ménagers sont constitués pour la plupart de déchets plastiques et de déchets organiques. En tant que microbiologiste de formation, j’ai appris au cours de mon cursus qu’il existe divers processus pour transformer les déchets plastiques en goudron. Ce goudron peut, par exemple, servir à fabriquer des pavés pour la  réhabilitation de plusieurs routes. En ce qui concerne les déchets organiques, ils peuvent être valorisés en engrais naturel grâce au processus de la méthanisation (recyclage de la matière organique fermentescible dans un milieu sans oxygène).

Avec ces deux pistes de valorisation des déchets, on peut répondre à trois problématiques essentielles : la création d’emplois, la protection de l’environnement et l’amélioration du cadre de vie des populations. Il est vrai que les problèmes existent mais les solutions sont également à portée de main. Les désagréments causés par le Covid-19 au niveau de la gestion des déchets doivent nous interpeller et servir de point de départ pour imaginer un nouveau modèle. Nous avons les ressources nécessaires, humaines et logistiques, pour mener à bien ce changement. Il manque juste une vision politique, un élan des élus pour accompagner tout cela. Le Covid-19 nous a placé au rang de victimes alors que nous sommes en train de devenir des bourreaux, des bourreaux pour notre environnement. Si nous continuons dans ce sens, nous en paierons le prix fort.


N.B. : « L’homme a voulu dominer la nature et c’est un petit virus qui nous a rappelé à l’ordre. » Je vous conseille d’écouter Ibrahim Thiaw, Secrétaire exécutif de la Convention de l’ONU sur la lutte contre la désertification, dans cette émission de la DW.

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