La forêt de Yacouba Sawadogo, prix Nobel alternatif, ravagée par les flammes

Article : La forêt de Yacouba Sawadogo, prix Nobel alternatif, ravagée par les flammes
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28 décembre 2020

La forêt de Yacouba Sawadogo, prix Nobel alternatif, ravagée par les flammes

Pour faire face à la famine qui sévissait dans son village, Yacouba Sawadogo avait deux choix. Soit il faisait comme les siens en quittant les lieux soit il restait pour développer des solutions résilientes. Eh bien, il a fait le deuxième choix, un choix qui a permis la renaissance d’une forêt. Aujourd’hui, la mythique forêt du vieux Yacouba et le travail de toute une vie est en danger.

La photo montre tout le désespoir de Yacouba Sawadogo. Le vieil homme de 80 ans à consacrer toute sa vie pour restaurer une grande forêt dans son village de Gourga situé à quelques kilomètres de la ville de Ouahigouya au Nord du Burkina Faso. En 2018, il a gagné le prix Nobel alternatif.

Il y a quelques décennies de cela, le village de l’octogénaire fut frappé de plein fouet par une terrible sécheresse qui a réduit à néant toute la végétation.

C’était le désarroi total. Plusieurs habitants ont dû quitter Gourga pour survivre, il était impossible de pratiquer l’agriculture et les animaux d’élevage n’avaient rien à manger.

Le village de Gourga se situe dans une zone où les terres sont considérées comme les plus arides du pays.

Face à cette situation catastrophique qui véhicule désespoir et fatalité, un homme a décidé de se lever pour déjouer tous les pronostics et faire renaître une forêt dans un paysage qui n’apportait plus d’espoirs. Cet homme, c’est Yacouba Sawadogo. Voici son histoire.

L’agriculteur a refusé de se résigner

Le vieux Sawadogo à lui seul est une légende. Un véritable héros des temps modernes. Avec abnégation, il a réussi à faire pousser une forêt de plusieurs hectares dans la zone de Gourga. Comment s’y est-il pris ? Yacouba a utilisé des techniques ancestrales pour reverdir le couvert végétal. Quand il a commencé son projet, nombreux de ses proches pensaient qu’il avait perdu la raison.

« Au début, quand je parlais de cette méthode aux gens, ils disaient que j’étais fou, que ça n’allait pas marcher. Mais j’avais un but et je ne les écoutais pas. Aujourd’hui, beaucoup m’aident dans cette tâche : je leur demande de planter les arbres et de s’en occuper régulièrement« , aime déclarer le vieil homme quand on lui rappelle son audace.

C’est la technique du Zai que le champion de la terre 2020 de l’ONU a adoptée. Durant 50 ans, il s’est évertué à ramener à la vie la biodiversité végétale.

Un modèle de coopération entre l’Homme et la nature

Yacouba Sawadogo, qui a évolué toute sa vie dans l’agriculture, est passé maître dans l’art de la technique du Zai. C’est une technique de régénération naturelle assistée pratiquée de génération en génération.

La technique du Zai est en totale symbiose avec l’environnement. Le but est de restaurer convenablement le couvert végétal et de fertiliser les sols. Grâce à son action très audacieuse, Sayouba Sawadogo a réussi à faire repousser plusieurs hectares d’arbres.

L’autre prouesse de l’agriculteur a été de maîtriser la circulation de l’eau. Il a construit des cordons pierreux, qui bloquent le ruissellement de l’eau. Toute chose qui permet de stopper l’érosion et de favoriser la conservation de l’humidité.

« Sur mon domaine de culture, j’ai d’abord construit de petites digues sur un petit espace. Ensuite, j’ai enfoui les graines des arbres dans de petits trous appelés zaï en y ajoutant du fumier organique. Mais le secret de cette méthode, ce sont les termites : elles nous aident beaucoup dans la restauration du couvert végétal.

Elles creusent des canalisations qui absorbent l’eau de pluie et au lieu de ruisseler, l’eau stagne. Les termites viennent aussi à la surface du sol pour chercher des feuilles à mange. Tout au long de leurs trajets, elles creusent des petites tranchées permettant au sol d’imbiber davantage d’eau. Et le résultat est là : les plantes poussent naturellement, et nous avons maintenant une grande forêt.

Je pense qu’on peut vulgariser cette pratique sur n’importe terrain. Depuis que j’ai développé cette méthode, je peux cultiver beaucoup plus facilement. je ne manque pas de nourriture pour ma famille. Souvent j’accueille de nombreux étrangers chez moi pour leur donner à manger. J’encourage les autres à travailler de la même façon pour la protection de la nature et la lutte contre la désertification.

Yacouba Sawadogo, sur le site internet des Observateurs de la chaîne France24

Le travail de toute une vie

La zone désertique et abandonnée de Gourga s’est littéralement transformé. Cette zone désertique où rien ne poussait est devenu une zone forestière.

Les populations, complètement ahuries et dépassées par l’exploit de Yacouba Sawadogo ont assisté au retour de tout un biotope (animaux, oiseaux, abeilles…).

Le site du vieux Yacouba a permis la reprise des activités sylvo-pastorales au grand bonheur des populations locales, qui ont effectué leur retour au bercail. Avec sa témérité, l’agriculteur est arrivé à protéger plusieurs espèces de plantes qu’on ne retrouve que dans cette forêt.

Pour élaborer des remèdes contre de nombreuses maladies dans le cadre de la médecine alternative, les populations se rendent dans la forêt de Yacouba Sawadogo. Il s’agit de trouver des plantes en voie de disparition qui possèdent des vertus insoupçonnées.

Le prix Nobel alternatif 2018 a fait renaître une forêt à partir de rien. Il a créé une faune et une flore unique en son genre qui fait le bonheur des populations. Surtout, l’initiative de Yacouba Sawadogo a grandement contribué à freiner l’avancée du désert.

Son modèle a été reproduit dans d’autres pays sahéliens comme le Niger. Dans nos pays, notamment sahéliens, nous avons pour habitude de nous plaindre face aux difficultés de notre environnement.

Nous sommes prêts à basculer dans la fatalité et le désespoir au moment où mère nature nous impose certaines contraintes.

Assister la nature pour le bien de tous

le prix Nobel alternatif a balayé d’un revers de la main tous ces préjugés et dogmes. Il a décidé d’agir pour aider la nature à reprendre ses droits.

Notre erreur, c’est de penser que la nature est quelque chose d’abstraite, d’inerte. Non, la nature est bien vivante, elle a une âme que nous, les Hommes, devons préserver.

Plus d’un hectare réduit en cendre. Crédit Photo : Naim Touré

Il y a des moments où cette nature est malade. Il lui faut un coup de main pour se régénérer. D’aucuns me diront que la nature à la capacité de se régénérer toute seule. Oui, c’est vrai, mais cette régénération n’est possible que si les conditions de vie sont optimales.

Yacouba l’a bien compris et c’est pour cela qu’il a consacré près d’une cinquantaine de sa vie à l’assistance de sa forêt afin que celle-ci puisse se régénérer.

Une forêt en danger

Aujourd’hui, le vieil homme qui arrive au crépuscule de sa vie continue de veiller sur sa forêt, l’œuvre de son existence.

L’octogénaire ne souhaite qu’une chose, pouvoir léguer ce trésor aux générations futures afin de lutter contre la désertification.

Malheureusement, Yacouba Sawadogo est confronté à deux maux qui sont en train d’enfoncer notre monde. L’hypocrisie et la cupidité des Hommes. Le champion de la terre 2020 à plusieurs fois alerté sur de nombreuses menaces qui pèsent sur sa forêt.

En effet, des individus sans scrupules ont pour projet de détruire une grande partie de la forêt. La raison est d’y installer des projets immobiliers.

Vous voyez la bêtise du Burkinabè ! Des instances communales en complicité avec des agences immobilières ont fait le forcing pour implanter des projets de construction d’habitation dans la forêt de Yacouba Sawadogo.

Pour protéger ce couvert végétal inestimable, le vieux Yacouba a lutté contre vent et marées pour faire échouer ces projet macabres.

Ce qui devait arriver arriva

Les lotissements dans la forêt avaient cessé un moment mais aujourd’hui, les menaces sur sa survie sont bien et bel réelles. Des gens sans scrupule n’hésitent pas à couper de nombreux arbres pour faire de l’espace.

« Des personnes viennent détruire ma forêt et je reste impuissant. J’ai même informé les agents forestiers et ceux-ci sont juste venus faire le constat. Si rien n’est fait, la forêt sera détruite. »

A cela s’ajoute la vente illicite de son site pour des lieux d’habitation.

« Pour éviter tout cela, je demande aux autorités de bien vouloir me délivrer un titre foncier et de m’aider à clôturer ma forêt. Sinon, ce sera un travail de plus de cinq décennies qui sera détruit très bientôt » dira le prix noble alternatif aux médias locaux.

Assis au milieu des cendres, le vieux Yacouba essaye de comprendre. Crédit Photo : Naim Touré, avec son autorisation pour utilisation
Plusieurs arbres ont été calcinés. Crédit Photo : Naim Touré avec son autorisation pour utilisation

Le prix nobel alternatif demande de l’aide

Il y a quelques mois, le ministre de l’environnement s’était déplacé sur le site du vieil agriculteur pour recueillir ses préoccupations.

L’autorité en charge des questions environnementales a indiqué que tout allait être mis en œuvre pour protéger la forêt. Bof, paroles vaines de politiciens à la recherche de publicité, il y a longtemps que j’ai arrêté de croire aux propos des politiques.

Après le passage en fanfare du ministre de l’environnement sur le site de Yacouba Sawadogo, c’est toujours silence radio.

Rien n’est fait pour protéger la forêt et le vieil homme se bat seul avec ses moyens pour préserver ce joyau de la voracité des intérêts égoïstes.

Malheureusement, il y a quelques jours, les pires craintes de Yacouba Sawadogo se sont réalisées. Une partie de sa forêt a été ravagée par les flammes, plus d’un hectare fut réduit en cendres.

Le vieux aura-t-il assez de force pour poursuivre le combat ? Quid de la nouvelle génération ?

Quand il s’est déporté sur les lieux, Yacouba était tout simplement abasourdi, estomaqué, il n’arrivait pas réalisé ce qu’il se passait.

Cette forêt, il l’a vu grandir au fil des ans, il l’a entretenu durant 5 décennies pour le bien-être des générations futures. Perdre tout d’un coup un hectare dans un incendie, s’est terrible, il n’y a pas de mots. Choqué et interloqué, Yacouba Sawadogo s’est assis au milieu des cendres comme pour pleurer la mort d’un enfant.

La photo a fait le tour des réseaux sociaux. Au même moment, un sentiment d’indignation général est né sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont apporté leur soutien sur la toile.

De plus, l’indignation va durer quelques jours puis s’estomper mais le vieux Sawadogo sera toujours là, en train de lutter seul. Ces dernières années, les Burkinabè se sont spécialisés dans l’hypocrisie et la mauvaise foi. Nous sommes devenus des spectateurs embourgeoisés qui regardent sans agir.

Il serait temps de nous réveiller et faire parler notre humanisme. Prenons l’exemple de la crise des déplacées internes. Le problème est là, mais nous continuons de vivre dans l’insouciance et nos premières autorités ne donnent pas l’exemple.

La forêt de Yacouba Sawadogo est un symbole national. C’est un trésor qu’il faut préserver à tout prix afin de stopper l’avancée du désert dans le pays.

Le vieux lui-même aime le rappeler, sa forêt ne lui appartient plus, elle appartient à tous les burkinabè. Il faut donc la préserver.

Avec l’accaparement des terres par les sociétés immobilières, le couvert végétal burkinabè se réduit considérablement. Toute chose paradoxal pour un pays du Sahel qui prétend lutter contre la désertification.

Crédit Photo: Naim Touré

Malgré le choc et le poids de l’âge, le champion de la terre est plus que déterminé

Après l’incendie d’une partie de la forêt du prix Nobel alternatif, des hommes de médias ont pu se déporter sur les lieux pour faire le constat.

Le vieux a indiqué qu’il n’écarte aucune piste. Selon lui, le départ d’incendie peut être d’origine humaine ou accidentel. Mais ce qu’il ne faut pas oublier c’est que le vieil homme avait prévenu il y a longtemps sur les dangers qui planent sur sa forêt.

Les autorités communales ont autorisé des lotissements qui sont en train de grignoter la forêt. En effet, le champion de la terre a même indiqué qu’il est parfois obligé d’implorer la clémence des propriétaires de maison pour que ceux-ci épargnent la vie des espèces végétales. Des espèces en voie de disparition qui jouent un rôle capitale dans la médecine.

« Lorsque j’ai été informé de l’incendie, j’ai voulu que l’autorité soit rapidement informée car c’est devenu une propriété commune.  Tout est possible mais nous ne suspectons personne et nous souhaiterons que l’autorité nous aide à la sécurisation de la forêt. Je ne comprends pas assez certaines choses. Ce sont mes enfants qui me représentent à certains niveaux ou cadres de rencontre. Je demande à tous ceux qui peuvent nous aider à  le faire pour le bien de tous », a déclaré le vieux Yacouba Sawadogo auprès du site faso-nord.info.

Le super héros Yacouba Sawadogo qui a dédié toute sa vie à la préservation de l’environnement appelle à l’aide. Il ne souhaite qu’une chose : clôturer sa forêt et bénéficier d’un titre foncier qui va lui permettre de mettre son site à l’abri de certains vautours.

La situation du vieux Sawadogo me rappelle les paroles de Papa Towndé. Lorsque je l’avais interviewé dans le cadre de la rédaction d’un billet en lien avec le Covid-19, « le Covid-19 et les anciens » , c’était le titre de l’article.

En outre, papa Towndé m’avait alors dit que le Covid-19 est une opportunité pour l’Homme de se réconcilier avec la nature car cette nature est la base de tout.

La génération actuelle selon papa Towndé doit se batte pour préserver la nature afin de sauver le monde. La survie de notre espèce est en jeu.

Agir au plus vite

Dans un autre de mes articles, j’alertais sur un rapport du  World Ressources Institute (WRI). Le rapport indiquait que de nombreux pays du Sahel dont le Burkina Faso risque d’être frappé par une grave pénurie d’eau dans les années à venir.

Le WRI a déclaré qu’il faut que les pays menacés adoptent des stratégies résilientes de préservation des ressources en eau. Cela leur permettra de faire face aux défis qui se profilent à l’horizon.

Les arbres jouent un grand rôle dans la préservation des ressources hydriques. Leurs racines stabilisent l’étanchéité des sols et favorise la circulation de l’eau et la régénérescence de la nappe phréatique.

Yacouba Sawadogo a compris cela depuis plusieurs années. Raison pour laquelle il se bat depuis près de 50 ans pour préserver la forêt. Le vieil homme a besoin de notre aide et toute assistance sera la bienvenue.

Par conséquent, l’agriculteur souhaite une clôture et un titre foncier mais il faut aller au-delà de ça. Il faut une action de grande envergure. Ce qui va rassurer le vieux sur le fait qu’il pourra passer le témoin à une génération consciente.

Tous ensemble avec Yacouba Sawadogo. Suite à l’incendie de la forêt, des internautes ont mis en ligne une pétition. Le but est d’aider le prix Nobel alternatif à préserver le site forestier. Le lien de la pétition est disponible ci dessous: 

Sauvons la forêt de papi Yacouba Sawadogo

Pour finir j’aimerais revenir sur ces paroles du chef indien Geronimo :

« Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonné, le dernier poisson pêché, alors vous découvrirez que l’argent ne se mange pas »

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Commentaires

Yves-Landry Kouamé
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Ce serait une vraie perte si rien n’est fait. Il faut agir et vite

Traore Amos Joel Yohane
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Effectivement mon très chers Yves, il faut agir au plus vite

Dje
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Une pétition c'est bien, mais il n'y a pas d'associations pour lui envoyer de l'argent et qu'il achète le foncier ?
Plutôt que de donner des centaines de milliers d'€ ou de $ à des "stars" de télé-réalité on peut pas aider un vieil homme qui a tout compris

Mathilde
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Cher Traore Amos Joel Yohane, je trouve votre article magnifique. Un très beau travail sur un homme digne de respect, Yacouba Sawadogo.

Traore Amos Joel Yohane
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Merci beaucoup très chère Mathilde. Yacouba Sawadogo est vraiment un grand Homme et il faut perpétuer son oeuvre.

kpatcha kanakatom
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Une question m'est venue dans la tete pendant que je lisais l'article, peut-etre pas suffisament rationnelle mais je vais la poser: Quelle organisme lui a t-il decerne le prix? l'organisme ne peut-elle pas l'aider a preserver cette foret? je dis tout ca quand on sait que nos gouvernements ne trouvent d'interet a ces genres de question.