Covid-19 au Burkina Faso : quelles leçons (déjà) pour le système de santé ?

Article : Covid-19 au Burkina Faso : quelles leçons (déjà) pour le système de santé ?
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9 juin 2020

Covid-19 au Burkina Faso : quelles leçons (déjà) pour le système de santé ?

Mondoblog lance le projet Mondoblog, unis contre le Covid-19, pour raconter l’évolution et les conséquences de la pandémie de coronavirus du point de vue des Mondoblogueurs sahéliens.


Au cours de son histoire, le Burkina Faso n’a jamais été confronté à une crise sanitaire majeure de l’ampleur de celle du Covid-19. Cette pandémie de coronavirus nécessite un dispositif sanitaire des plus performants. Certes, le pays a toujours connu des épidémies et diverses pathologies qui ont provoqué des dégâts au sein de la population (paludisme, dengue, rougeole, tuberculose, poliomyélite, méningite), mais rien ne préparait le pays des hommes intègres à faire face à un nouveau type de virus, très contagieux et virulent.

Ne pas oublier les autres pathologies

Ces dernières 48 heures, le pays a enregistré un nouveau cas de Covid-19, les malades sont en majorité des personnes qui viennent du Niger voisin. Le 8 juin, le pays enregistrait 889 cas confirmés et 53 décès. Ainsi, le coronavirus continue sa propagation au Burkina Faso. Mais cette situation, inédite pour le pays, ne doit pas faire oublier les autres maladies qui touchent la population et qu’il faut prendre en charge. Malgré le contexte difficile dans les hôpitaux, le personnel soignant, médecins et agents de santé, assurent qu’ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour que les patients atteints de pathologies autres que le Covid-19 soient convenablement pris en charge. Dans une lettre adressée à l’ensemble du personnel soignant, le Pr Charlemagne Ouédraogo, président du conseil national de l’Ordre des médecins, a appelé tous les acteurs de la chaîne sanitaire à se mobiliser, même si la pandémie de coronavirus est venue rappeler la fragilité du système de santé burkinabè.

« La présence de ce nouveau coronavirus dans notre pays ne doit pas nous faire oublier que les autres affections ordinaires dont souffrent les Burkinabè sont toujours présentes dans notre communauté. Le paludisme, la tuberculose, les autres maladies infectieuses, le diabète, l’hypertension artérielle, les autres maladies cardio-vasculaires, les différentes causes d’accouchements dystociques, les tumeurs, les urgences médicales et chirurgicales, les pneumopathies non Covid-19, etc connaîtront une morbidité et une mortalité plus élevées si nous restons médusés par l’affection au coronavirus.
Il est de notre devoir d’assurer la continuité des soins aux patients atteints du Covid-19 et ceux souffrant d’autres affections, en particulier les couches vulnérables. C’est aujourd’hui et plus que jamais que le Burkina Faso a le plus besoin de nous tous agents de santé et médecins en particulier. L’infection au coronavirus ne devrait pas nous détourner de notre mission première qui est celle de soigner y compris dans des situations difficiles comme celle que nous vivons. »

Dans ce contexte de crise sanitaire, les patients souffrant d’autres pathologies sont exposés à une mortalité et une morbidité plus élevées que celles du Covid-19. Le Pr Charlemagne Ouédraogo est catégorique, il faut que le système sanitaire continue de fonctionner “normalement” pour ne pas se focaliser sur le Covid-19 et ouvrir un boulevard à la propagation d’autres maladies qui pourraient alors avoir un impact beaucoup plus dévastateur que le coronavirus.

Vers une crise de confiance

Bien avant l’arrivée du Covid-19, le système sanitaire souffrait déjà beaucoup au Burkina Faso. Les difficultés sont de tous ordres et à tous les niveaux. La gestion du coronavirus par les autorités ne rassure pas la population. La ministre de la Santé, le Pr Claudine Lougué, est notamment fortement décriée pour sa gestion de la pandémie. On se rappelle qu’il y a quelques semaines, Mme la ministre Lougué a suscité un tollé général au sein de l’opinion publique lorsqu’elle a confié au quotidien Courrier Confidentiel que ses collaborateurs “l’ont fait mentir à l’Assemblée Nationale” au sujet de la mort de la députée Marie Rose Compaoré. En effet, le 21 avril 2010, celle-ci a été déclarée comme étant la première personne décédée du coronavirus au Burkina Faso. D’autres griefs sont reprochés à la ministre de la Santé: il lui est reproché de n’avoir pas pris les dispositions nécessaires, notamment dans les aéroports pour barrer la route au Covid-19 avant l’apparition de la maladie au sur le territoire.

Que dire du Pr Martial Ouedraogo qui pilotait la riposte contre le Covid-19 ? Cet éminent pneumologue reconnu sur le plan national et international a été révoqué en Conseil des ministres le 29 avril dernier pour sa gestion. Il lui était notamment reproché de nombreux dysfonctionnement au sein du Centre des opération de réponse aux urgences sanitaires (CORUS) qui n’ont donc pas permis de coordonner efficacement la riposte face au coronavirus. Il a été remplacé par le Dr Brice Bicaba.

La population se tourne vers la médecine traditionnelle 

Dans ce contexte de crainte, de nombreux patients atteints de maladies chroniques comme la toux, la drépanocytose, les hépatites ou la sinusite préfèrent se faire traiter dans les centres dédiés à la médecine alternative, ils privilégient les plantes médicinales. Selon le Docteur Pascal Nadembèga, spécialiste burkinabè en pharmacognosie et en médecine traditionnelle, l’impact du coronavirus sur le système de santé du pays a renforcé les craintes de ses compatriotes qui ont de moins en moins confiance en la médecine conventionnelle.Les autorités politiques ne se sont pas clairement positionnées sur cette théorie. Au sein du ministère de la Santé, on appelle les acteurs de la médecine alternative à faire des essais cliniques avant de proposer des traitements. L’objectif étant d’éviter des surdosages qui peuvent dégrader la santé du patient.

Des gestes barrières à pérenniser pour la santé de tous

Dès le début de la pandémie, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a indiqué que le meilleur moyen de se protéger contre le coronavirus c’est de respecter scrupuleusement les gestes barrières (lavage des mains au savon ou au gel hydroalcoolique, distanciation physique d’au moins un mètre, port du masque si possible). Dans certains lieux, comme les gares routières, les lieux de culte, les universités, des mesures d’hygiène ont été mises en place, même s’il reste encore un gros travail de sensibilisation à faire dans les commerces par exemple.

Dans l’ensemble, les mesures d’hygiène sont respectées par la population et cette prise de responsabilité fait la différence sur le plan sanitaire. La stratégie adoptée pour lutter contre le coronavirus devrait nous servir de tremplin pour changer nos habitudes quotidiennes et mener un combat efficace contre les maladies hygiéniques. A l’avenir, il faudrait pérenniser ces mesures pour enfin endiguer des maladies et pathologies qui ont fait de très nombreuses victimes ces dernières années (le choléra, la dysenterie et les pathologies diarrhéiques).
Le coronavirus aura au moins eu l’avantage de faire prendre conscience aux burkinabè l’importance de l’hygiène sur la santé.

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