Burkina Faso : petit à petit, le rugby fait son nid…

Article : Burkina Faso : petit à petit, le rugby fait son nid…
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8 avril 2021

Burkina Faso : petit à petit, le rugby fait son nid…

Le Burkina Faso est un pays qui a une grande culture sportive. Le pays des Hommes Intègres a toujours engrangé des résultats significatifs dans des disciplines sportives comme le football, l’athlétisme ou encore le cyclisme.

Ces dernières années, il y a eu l’émergence de nouvelles disciplines qui peuvent permettre au Burkina Faso de participer à de grandes compétitions internationales.

On peut notamment évoquer le cas du rugby, qui se développe de manière fulgurante au Burkina Faso. Le monde de l’ovalie burkinabè s’est implanté et s’est structuré afin d’atteindre des objectifs à moyen et long terme.

Malgré les moyens limités dont dispose la fédération burkinabè de rugby, l’équipe de la présidente, Rolande Boro (l’unique femme qui dirige une instance sportive au Burkina) a mis en place différents mécanismes innovants pour développer ce sport.

Une discipline qui s’implante

Il y a un formidable travail réalisé au niveau de la détection des talents, la structuration des équipes nationales et l’implantation de points focaux.

Antoine Yaméogo est international burkinabè et sélectionneur de l’équipe du Burkina Faso des moins de 18 ans. Il est un élément essentiel du développement du rugby au Burkina Faso et il me fait l’immense honneur de m’accorder cet entretien.

Antoine Yaméogo, merci pour votre disponibilité, pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Antoine Yaméogo, j’ai 29 ans et suis joueur de rugby pour les Etalons de Burkina Faso.

Quel est votre parcours dans le monde de l’ovalie ?

J’ai commencé le rugby à l’âge de 9 ans à Bagneux, un club familial de la banlieue parisienne. Par la suite, j’ai intégré l’équipe des moins de 17 ans de Massy (un très grand club formateur français) où j’ai pu m’aguerrir et en parallèle, je suis rentré en sport étude au lycée Lakanal, dans le pôle espoir. J’ai ensuite été recruté par le stade français, ou j’ai passé sept saisons avec quelques entraînements et un match en professionnel (un très grand souvenir). Ne pouvant pas signer de contrat professionnel, j’ai repris mes études jusqu’au master, en continuant à jouer à l’échelon semi-professionnel. J’ai intégré les Etalons en 2017.

Quelle est la place du Burkina Faso sur l’échiquier du rugby africain ?

Actuellement, si on se réfère au classement, on se situe à la 20e place africaine. Notre objectif est de nous qualifier pour le tournoi final de qualification de la coupe de monde 2023 zone Afrique, et donc de figurer au 12e rang africain.

Entraînement intense pour atteindre les objectifs. Crédit Photo : Antoine Yaméogo, avec son accord pour utilisation

Rêver grand

Depuis peu, le Burkina est reconnu par la World Rugby. Qu’est-ce que cela change pour le pays en termes de représentativité ?

Déjà sur le plan sportif, cela nous donne accès à des compétitions internationales de premier plan. On peut citer les éliminatoires de la coupe du monde à 15 et à 7 masculin et féminin, mais également aux Jeux Olympiques. Sur le plan continental, nous jouons désormais dans la « cour des grands » et cela nous donne une légitimité ! Cela valide aussi le travail qui est fait depuis de nombreuses années au Burkina. C’est le début de quelque chose de grand pour notre pays.

Vous avez la particularité de combiner votre statut d’international à vos fonctions d’entraîneur des U18. Comment vous arrivez à gérer cette double casquette ?

De mon point de vue, je pense que ces 2 fonctions sont transverses. J’entends par là que ça me permet d’analyser la relève et compléter la formation déjà faite jusqu’à présent pour ainsi proposer que les meilleurs éléments rejoignent le groupe senior. Cela se fait tout naturellement quand je me rends au Burkina, pour une compétition ou bien saluer ma famille. Je passe toujours faire un tour et assister à des matchs de jeunes. L’équipe a l’ambition de faire un résultat lors des prochains Jeux Olympiques de la jeunesse africaine en Éthiopie, en 2022. Nous avions fait 4e (sur 10) en 2018 à Alger devant des pays comme la Côte d’Ivoire, les 3 pays du Maghreb ou bien encore le Sénégal. Nous voulons faire encore mieux que la dernière fois et ramener une médaille au Faso cette fois-ci.

Antoine Yaméogo et un membre du staff technique. Crédit Photo : Antoine Yaméogo avec son accord pour utilisation

Une formation à la base

Quel est le niveau général du championnat burkinabé ?

Je n’ai pas eu l’opportunité d’évoluer dans le championnat burkinabè. Par conséquent, je me réserve de donner une analyse sur le niveau du championnat.

Bien vrai que vous ne jouez pas au sein du championnat, cependant est ce qu’il y a un championnat de D1 ou D2 comme ce qui se fait au football ?

Oui bien sûr, il y a un championnat national masculin, féminin et junior avec une dizaine d’équipes.

Y’a t-il des joueurs internationaux qui évolue au sein du championnat burkinabé ou bien vous évoluez tous à l’extérieur ?

Il y en a quelques uns en Côte d’Ivoire et il existe d’autres bi-nationaux en France, que je tente de convaincre pour rejoindre notre projet au Burkina.

Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés dans vos missions (international et entraîneur U18) ?

Je dirais la préparation, surtout. Elle peut être améliorer mais on fait de notre mieux avec les moyens qu’on nous donne. On se rend compte que les résultats ne sont pas si mal, donc avec un peu plus de considérations de nos autorités, notre avenir s’annonce radieux.

L’équipe est à pied d’oeuvre. Crédit Photo: Antoine Yaméogo, avec son accord pour utilisation
Dans un pays où le football est roi, quel est le regard des burkinabè sur la pratique du rugby ? Y a t-il un nombre suffisant de licenciés ?

On remédie à cela en essayant d’implanter le rugby dans les écoles, les casernes de police, militaire, pour augmenter le nombre de pratiquants et vulgariser la discipline.

Le rugby a cette particularité de se jouer à 15 et à 7. Est ce qu’on retrouve ces deux options au Burkina Faso ?

Bien évidemment, nous pratiquons les deux rugby aussi bien chez les femmes que chez les hommes.

Affronter de grosses cylindrées

Avec la reconnaissance par la World Rugby, le Burkina Faso pourra participer aux Éliminatoires de la Coupe du monde France 2023. Quand on sait que l’Afrique du Sud, championne du monde en titre est intouchable, quelles sont les chances du Burkina de prendre part au mondial dans 2 ans ?

On va pas se raconter d’histoires. Elles sont infimes, mais tant qu’il y a de l’espoir, on se battra jusqu’au bout ! C’est dans l’ADN burkinabè. Notre objectif sportif est de se qualifier au tournoi final et de prendre ce qu’il y aura à prendre, notamment de l’expérience pour notre jeune équipe.

Crédit Photo: Antoine Yaméogo
Credit Photo: Antoine Yaméogo
Antoine, imaginons que le Burkina réussisse à se qualifier pour le mondial en France, qu’est ce que cela va représenter pour le pays ? Ça serait juste énorme que les Étalons puissent se frotter aux All Blacks de la Nouvelle Zélande, les wallabies de l’Australie, le XV de la rose anglais ou encore l’Irlande

Bien évidemment, je n’ose imaginer ce que cela provoquerait pour nous en tant que joueur et au pays. Nous allons déjà affronter ce qui se fait de mieux sur le continent africain. Personnellement, affronter le Kenya ou l’Ouganda est déjà une fabuleuse opportunité de progression incroyable.

Le meilleur reste à venir

La Nouvelle Zélande, considérée depuis des décennies comme la meilleure nation du monde possède une culture de l’ovalie sans nulle pareil. Est ce que le Burkina peut s’inspirer du modèle néo-zélandais pour développer le rugby ?

Je ne vis pas assez sur place au Burkina pour pouvoir répondre. Mais je dirais que s’inspirer des meilleurs est forcément salutaire ! Nous essayons d’ailleurs déjà de reprendre certains éléments comme l’implantation du rugby dans les écoles primaires ou encore faire une corrélation entre nos équipes jeunes et seniors. Aspects « copiés » sur le modèle néo-zélandais.

Le rugby a connu des joueurs fantastiques comme Jona Lomu, Richie Mccaw, Brian O’Driscoll, Thierry Dusotoir, Serge Blanco, Johnny Wilkinson, Dan Carter, Bryan Habana et pleins d’autres. Lequel de ces joueurs vous a le plus marqué et inspiré ?

En tant qu’Africain, je suis un fidèle suiveur des springboks de l’Afrique du Sud. De part la ressemblance physique, ainsi que le poste : Bryan Habana. J’ai eu la chance d’aller 4 fois dans ce pays, notamment pour des stages d’entraînement, et ce fut forcément des moments incroyables.

Si vous avez un message à adresser aux premières autorités et au peuple burkinabé, ça serait lequel ?

De continuer à croire en nous et notre potentiel, car nous avons besoin de soutien pour continuer nos efforts.

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