Rencontre avec Aziz Nignan, le jeune entrepreneur qui souhaite révolutionner l’agriculture burkinabè

Article : Rencontre avec Aziz Nignan, le jeune entrepreneur qui souhaite révolutionner l’agriculture burkinabè
Crédit: Crédit Photo : Aziz Nignan avec son accord pour utilisation
18 avril 2022

Rencontre avec Aziz Nignan, le jeune entrepreneur qui souhaite révolutionner l’agriculture burkinabè

Aujourd’hui, le Burkina Faso fait face à de nombreux défis pour assurer sa survie. En effet, depuis plus de 7 ans, le pays des hommes intègres est confronté à une situation sécuritaire des plus préoccupantes. En outre, multiples incursions terroristes ont entraîné des millions de déplacés internes.

Cette crise sécuritaire a engendré une crise humanitaire qui, elle, à son tour est en train d’appeler une crise alimentaire.

Ainsi donc, par réflexe de survie, les populations de diverses zones du pays ont abandonné leur champ et grenier à la merci des groupes armés terroristes.

Depuis l’avènement du terrorisme, les récoltes et les rendements agricoles sont déficitaires dans plusieurs régions. Quand on sait que l’agriculture occupe plus de 80 % de la population burkinabè, l’on se rend compte qu’il y a péril dans la demeure d’où la nécessité d’agir avec audace.

Comment mettre en place une agriculture compétitive qui puisse nourrir la population burkinabè tout en tenant compte des réalités du contexte sécuritaire ?

L’équation semble complexe, mais avec de l’innovation, de la créativité et de la volonté on peut déplacer des montagnes. C’est ce qu’a compris le jeune Aziz Nignan, initiateur du projet agro-industriel, Sofato.

Une nouvelle vision pour réaliser de grands objectif

Aziz Nignan fait partie de cette nouvelle génération d’entrepreneur burkinabè qui veut faire bouger les lignes et participer activement au développement du Burkina Faso.

Monsieur Nignan et ses collaborateurs refusent cette idée selon laquelle, le Burkina Faso, un pays enclavé, souffrant des affres du terrorisme, doive sombrer dans le fatalisme et l’assistanat international.

Le jeune entrepreneur a mis en place la Société Coopérative avec Conseil d’Administration Bâtir l’Avenir avec pour objectif d’utiliser tout le potentiel de l’agriculture burkinabè.

Il s’agit d’une approche nouvelle, audacieuse qui doit permettre au Burkina Faso de révolutionner son modèle de production agricole.

Pour la rédaction de ce billet, Aziz Nignan me fait l’honneur de m’accorder un entretien dans lequel on va aborder les contours de son projet et sa vision pour l’agriculture burkinabè.

Aziz Nignan, merci pour le temps que vous m’accordez, pouvez-vous vous présenter ?

Aziz Nignan. Crédit photo : Aziz Nignan avec son accord pour utilisation

Aziz Nignan (35 ans) sociologue de formation titulaire d’un BTS en finance comptable, PCA de la société coopérative avec conseil d’administration bâtir l’avenir (Scoop-Ca/ba). Je suis promoteur de la société Faso tomate (SOFATO), vice-président du Conseil national de l’économie informelle, SG/porte-parole de l’amicale des jeunes commerçants et entrepreneurs du Burkina (AJCEB) et gérant de Global Business Invest (GBI SA) et décoré chevalier de l’ordre de mérite avec agrafe commerce et industrie depuis 2019.

La tomate, une mine d’or inexploitée


Quand est-ce qu’a germé en vous l’initiative de la Société Coopérative avec Conseil d’Administration Bâtir l’Avenir et le projet Sofato ?

À travers mes différents voyages au niveau du continent asiatique, j’ai vu des modèles de développement endogène et inclusif.

Cela m’a inspiré et j’ai décidé de copier et d’adapter ça à nos réalités afin de créer de la richesse et des emplois pour la jeunesse. Une fois au pays, il fallait trouver un projet innovant qui cadre avec la présence d’une matière première en quantité notamment la tomate.

Ensuite, il fallait identifier la zone d’implantation du projet avec une existence juridique d’où la société Faso tomate (SOFATO).

La seconde étape se trouvait au niveau de la mobilisation du capital dans la légalité d’où la création de la société coopérative avec un conseil d’administration qui nous permet de mobiliser l’épargne publique en masse à travers l’acte uniforme OHADA des droits communautaires. Cette société coopérative nous a permis de lever les fonds pour Sofato ainsi que d’autres initiatives à venir.

Pour réaliser votre projet, vous vous appuyer sur l’actionnariat populaire. Pourquoi avoir choisi spécifiquement ce mode de financement ?

La société coopérative avec conseil d’administration prône l’actionnariat populaire. Il s’agit d’un mode de financement participatif qui regroupe plusieurs personnes appelées actionnaires dans une société dite entreprise communautaire avec un retour sur investissement .

Nous avons choisi ce modèle parce que cela nous permet de lever des fonds à travers plusieurs personnes. Ainsi nous n’avons pas besoin de recourir aux institutions financières qui présentent une certaine réticence ou lourdeurs pour les investissements.

Un projet made in Burkina Faso

Votre slogan « Un burkinabè un actionnaire » est-il une invite aux burkinabè à s’engager activement dans le processus de développement du pays ?

Le slogan est une incitation à la mobilisation autour du projet pour une solidarité constructive car nul ne viendra développer le pays a notre place.

Un contexte particulier qui pousse à innover

Le projet Sofato vise à révolutionner la filière tomate au Burkina Faso. Qu’est-ce que cela va apporter concrètement à l’économie nationale en termes de création de richesse et d’emplois ?

Maquette du projet SOFATO Crédit photo : Aziz Nignan avec son accord pour utilisation

Une phase d’exécution qui avance bien

Le projet SOFATO de la société coopérative avec un capital de 1 500 000 000 FCFA a déjà mobilisé à 73 % et a transformé plus de 45 000 tonnes de tomates sur une production nationale de 300 000 tonnes. Il s’agit là de première phase de l’usine.

Cela apportera une réelle plus-value à travers un marché d’écoulement optimal pour les maraîchers, l’augmentation du PIB, la création de 100 emplois directs et 15 000 indirects. Nous avons choisi d’implanter l’usine dans une zone à forte production maraîchère dans la province du Passoré.

Aziz Nignan en visite de chantier avec ses collaborateurs Crédit photo : Aziz Nignan

Le Burkina Faso est confronté à une situation sécuritaire dégradante avec plus de 3 millions de déplacés internes. Ces personnes déplacées sont en majorité des agriculteurs et des éleveurs qui ont tout perdu. Est-ce qu’avec votre nouvelle approche, il sera possible de réintégrer les déplacés internes dans une chaîne de valeur agricole qui va profiter à tout le monde ?

Les déplacés internes peuvent être réintégrés dans une chaîne de valeur agricole particulièrement vers la culture de contre-saison vu que nous avons de grandes retenues d’eau telles que les barrages avec des périmètres irrigués.

Par conséquent, nous serons en mesure d’équilibrer notre rendement agricole d’où la nécessité pour l’État de jouer un rôle central dans la bonne marche dudit projet qui va profiter à la grande majorité de la population.

Innover pour faire face aux défis du pays


Votre projet se focalise beaucoup plus sur la filière tomate. Cependant est-ce qu’il est possible de l’étendre à des filières comme l’anacarde, le coton, le karité ou encore la mangue ?

La transformation de la tomate est juste la première initiative de la Société coopérative, d’autres sont en cours de réflexion particulièrement en ce qui concerne les produits du cru (karité, manques, oignons, cajou).

Notre ambition c’est de travailler à transformer sur place nos matières premières avec le projet <une région, une industrie> suivant les potentialités de chaque région.

En plus du défi sécuritaire, il ya le défi imposé par les effets du changement climatique. À ce niveau, les acteurs du domaine de l’agroécologie proposent des solutions innovantes pour optimiser les rendements agricoles. Est-ce qu’à votre niveau vous consultez d’autres acteurs tels que les agroécologues pour renforcer davantage vos projets ?

Les effets du changement climatique nous imposent naturellement à avoir une autre posture pour préserver ce qui nous ai chère et nous sommes même en contact avec les agroécologues pour renforcer le projet.

Le Burkina doit prendre son destin en main


Cette année, comme c’est le cas depuis un certain moment maintenant, des millions de personnes seront menacées par la famine. Quelle est votre analyse sur cette perspective inquiétante ?

La famine est prévisible vu le nombre de déplacés qui n’ont pas pu cultiver la saison passée. Par conséquent et face à cette situation, nous devons être solidaires par le partage, car il s’agit d’une affaire pour tous.

Par conséquent, il faut rapidement trouver des zones cultivables pour ceux qui ne pourront pas regagner leurs villages afin d’atténuer les effets de cette famine.

Quelle analyse pouvez-vous porter sur la politique agricole du Burkina Faso ? Vu les défis immenses qui s’imposent au pays, l’actuel politique agricole est-elle adaptée ?

Comme nos anciens l’affirment, la terre ne ment pas. En d’autres termes, nous devons retourner à l’agriculture et l’État doit avoir une politique de promotion et subvention agricole pour revaloriser le secteur afin que la population s’implique massivement. En sus, cela nous permettra d’atteindre l’autosuffisance alimentaire en un bref laps de temps.

Le projet Sofato, unique en son genre

Quelles sont les étapes à suivre pour devenir actionnaire de la Société Coopérative avec Conseil d’Administration Bâtir l’Avenir ? Actuellement quel est l’état d’avancement du projet Sofato ?

Découvrez l’actionnariat populaire Crédit photo : Aziz Nignan

Toute personne physique ou morale peut devenir membre investisseur de la société coopérative moyennant des frais d’adhésion à 5000 FCFA et en souscrivant aux parts sociales du capital à 5000 f l’unité. Le site de l’usine est construit sur un hectare.

Le niveau d’avancement du projet est de 85 %. En effet, nous avons terminé les constructions proprement dites et nous sommes au niveau de la construction métallique des toitures et des hangars en attendant l’équipement pour le montage.

Le démarrage des activités est prévu pour le dernier trimestre de l’année 2022. Pour ceux désirant avoir des informations peuvent télécharger notre application mobile dénommée « Actionnariat Populaire » sur playstore gratuitement.

De quelle manière l’État doit accompagner les jeunes comme vous qui ont des projets à même de favoriser le développement du pays ?

Notre principale doléance à l’État réside dans la mise en place de mécanismes afin de promouvoir les jeunes qui ont des initiatives créatrices d’emplois et de richesses.

L’objectif est d’arriver à motiver divers profils de jeunes à être audacieux pour favoriser le développement socio-économique du Burkina Faso. De plus, faut orienter les différents fonds dans l’accompagnement concret des porteurs de projets.

La jeunesse burkinabè doit oser

Si vous avez un message à l’endroit de la jeunesse burkinabè, ça sera lequel ?

J’appelle la jeunesse burkinabè à donner un sens à leurs existences, de se battre pour leurs ambitions. En outre, ils doivent savoir que chaque génération a un défi à relever et le nôtre est de divers ordres.

En outre, un de ces défis réside dans la promotion de l’actionnariat populaire pour une économie communautaire, car personne ne viendra établir les conditions du bonheur à notre place. Rejoignez-nous dans la société coopérative pour qu’ensemble nous bâtissions l’avenir.

Quel est votre mot de fin ?

Dieu et les mânes de nos ancêtres nous libèrent de cette crise sécuritaire afin que nous retrouvions la paix et le vivre ensemble ! Vive la jeunesse qui ose. Dieu bénisse le Burkina Faso.

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